Heurs et malheurs de la Seigneurie du Latz


Mise en ligne avec les autorisations de son auteur Michel Vincent de Paule, et la Societe d'Histoire et d'Archeologie du Pays d'Auray, qui a publié cette étude sur son bulletin de sept 2010 

C'est l'histoire d'une petite seigneurie, créée vers 1430 par les Vitré, issus sans doute d'une branche cadette de la célèbre famille de Vitré, avec sa part de mystère (pourquoi tant de légendes sur son nom? Laz devient "lah" en breton vannetais, qui signifie meurtre).
Puis, par mariages, la seigneurie passe aux Champion, aux Bino et aux Larlan puis aux Sorel. Et c'est alors que cette petite seigneurie aurait pu devenir une grande seigneurie si ne s'était dressé sur son chemin un certain … Nicolas Fouquet. Et c'est la triste fin d'une famille qui sera restée presque trois siècles sur cette terre du Latz.
Une nouvelle famille s'installe et apporte l'espoir d'un renouveau; elle va d'ailleurs prendre le nom de cette terre, devenant les Jégou du Laz.
Las, un nouveau coup du sort ruinera cette espérance, et c'est un lent déclin qui verra le château tomber en ruine au risque de disparaître à tout jamais.
Finalement restauré, il restera un témoin, mystérieux et discret, de tout un aspect de l'histoire de Carnac et de la Trinité sur Mer.


Les petites seigneuries de Carnac sont apparues, d'abord le long de la rivière de Crach, vers la fin du XIVe siècle et la première moitié du siècle suivant. Elles dépendent de la grande seigneurie de Largoët qui a acheté le fief de Carnac en 1362. Les seigneurs locaux n'exercent donc pas le pouvoir de justice mais ils sont cependant plus que de simples pro­priétaires fonciers; ils ont sur les paysans une certaine autorité, reçoivent des services, des corvées domaniales et jouissent de droits honorifiques à l'église.

Les VITRE
La seigneurie du Latz (ou Laz) nous est surtout connue à partir des années 1430 avec l'arrivée d'un nouveau seigneur Olivier (de) Vitré, qui, à l'issue d'une délibération d'une cinquantaine de paroissiens de Carnac en 1438, obtient la décharge des fouages sur le lieu noble du Latz et sa métairie. Descendant sans doute d'une branche cadette de la célèbre fa­mille Vitré, dont la branche aînée s'éteignit vers 1250, il a vécu à Arzon avant de s'installer à Carnac; il est clerc à la sénéchaussée d'Henneliont, puis notaire.

Le mystère Jean de Vitré
A son décès en 1473, son fils Jean lui succède. Il participe à la montre (revue militai­re) de 1477 et déclare un revenu de 50 livres, ce qui le classe parmi les nobles plutôt pau­vres. Mais sa situation s'améliore car en 1481 il déclare 100 livres; ce doublement de ses re­venus peut s'expliquer soit par un mariage intéressant, soit par un changement de situation.
Son mariage avec Jacquette de Guérande dont le père déclarait en 1464 un revenu de SO livres, pourrait être une explication.
Mais à la même époque, vers 1480, existe un Jean de Vitré qui a des fonctions impor­tantes: il est l'un des deux gentilshommes qui commandent au château de l'Hermine à Van­nes; et, à ce poste, il va être un acteur de la machination de Landais, le trésorier du duc, contre Chauvin, le chancelier. Le duc est en effet confronté à un roi de France dont l'objectif est l'annexion de la Bretagne; Chauvin est, comme la plus part des seigneurs importants, fa­vorable à des arrangements avec la France, alors que Landais est pour l'indépendance totale de la Bretagne. Et il réussit à faire emprisonner Chauvin au château d'Auray; mais il n'est pas sûr que les faits reprochés au chancelier soient reconnus suffisants par les juges pour le faire condamner à mort ; aussi préférerait-il qu'il disparaisse en prison. Or, à Auray, Chauvin est traité avec beaucoup de ménagements; aussi le fait-il transférer au château de l'Hermine à Vannes à la garde de Jean de Fontenailles et Jean de Vitré "qui étaient hommes à la main et instruits de ce qu'ils avoient à faire". Ils ont ordre de "ne donner que de méchantes nourritu­res et point de lit, de ne le laisser parler à personne... ". Le malheureux Chauvin meurt peu après, en avril 1484. Landais triomphait, mais pour peu de temps. Sous l'impulsion du maré­chal de Rieux, qui est, en tant que seigneur de Largoët, le véritable seigneur de Carnac, les principaux seigneurs du duché se rebellent et obligent le duc à laisser juger le trésorier. Le procès est rapidement organisé, et la sentence de mort exécutée. Mais avant, les deux gardes de Chauvin sont jugés, sous l'accusation d'avoir causé sa mort par leurs mauvais traite­ments ; sous la torture Vitré avoue tout et est pendu en juillet 1485 ; il déchargera même son complice qui sera gracié.

Ce Jean de Vitré est-il le seigneur du Latz? Cette situation à risque que lui a proposée Landais justifierait le doublement de ses revenus. Quant au Jean Vitré que l'on voit au Latz après 1485, ce pourrait être un frère ou un fils; il ne fallait pas ébruiter cette affaire pas très glorieuse!
Et on peut se demander si les légendes liées au sens du nom Laz, devenant " Lah" (meurtre) en breton vannetais, ne viennent pas du souvenir de ces tragiques événements.

Guillaume Champion, un fidèle de Jean de Rieux?
Quoi qu'il en soit, le Jean Vitré qui mourra vers 1505, n'a eu de Jacquette de Guérande que des filles; il les mariera à des seigneurs connus de la région, sauf sa fille aînée, Jacquette, qu'il marie en 1496 à un certain Guillaume Champion. Celui-ci possède quelques biens à Carnac, pour lesquels il a rendu aveu en 1494, mais, semble-t-il, peu de fortune; pour ce mariage d'ailleurs, on le nomme seigneur de Kerganquis, terre qui appartenait aux Gué­rande.
Mais Jean Vitré doit considérer qu'il est de taille à faire prospérer sa seigneurie, d'autant qu'il est peut être un fidèle du maréchal de Rieux. En effet un Guillaume Champion fait parti de la soixantaine de seigneurs qui, début 1487, sont réunis, à l'initiative du maré­chal de Rieux, pour chasser de la cour du duc les princes français qui se sont opposés à la régente, Anne de Beaujeu, fille du défunt Louis XI ; leur présence en effet, réduit l'influence des seigneurs bretons. Ils demandent l'appui de la régente pour les chasser et les troupes royales entrent en Bretagne, non pas pour récupérer les princes français, mais pour conquérir la Bretagne, contrairement aux engagements qui avaient été négociés par les bretons; et ceux-ci de se réconcilier avec le duc qui leur accorde son pardon pour faire face à l'invasion.

Guillaume Champion achète des terres à Kermalvezin
En 1499, Guillaume Champion, désigné comme seigneur de Kerdrain des Championen Brech, achète au seigneur du Val, en Landévant, des terres situées à Carnac et à Plouharnel dans la mouvance de Kermalvezin. L'achat de ces terres va être à l'origine d'une série de procès que nous allons suivre durant deux siècles.
Blason ds Champion
Aussi est-il bon d'en préciser dès maintenant les enjeux. Pour les sei­gneurs du Latz, ces terres sont un fief provenant du démembrement du fief du Val; pour ceux de Kermalvezin, il n'y a pas de fief, c'est un simple achat de "terres et héritages". Un autre aspect complique l'affaire, c'est que la seigneurie du Val ne dépend pas de Largoët mais directement du duc ou, plus tard, du roi; il y aura donc quatre intervenants: les seigneurs du Latz, de Kermalvezin, de Largoët, et enfin le roi.
Guillaume meurt en 1513, et c'est son fils aîné, Louis, qui va essayer de clarifier la situation de Kermalvezin. Car les choses se sont compliquées: le seigneur de Kermalvezin, Jacques Le Bley, a épousé Vincente Champion, une soeur de Louis. Aussi est-il décidé, en 1529, d'avoir recours à des arbitres. Mais Jacques Le Bley décède au moment de cet arbitra­ge, et devant la fermeté de la veuve qui reste avec deux garçons et deux filles, Louis doit fai­re taire ses prétentions, et on ne reparlera de l'affaire qu'après sa mort et celle de ses deux neveux.

Le Latz s'agrandit avec Kervilor
Louis va épouser Vincente d'Aradon, fille d'Olivier d'Aradon seigneur de Kerdréan, qui lui apporte le lieu noble de Kervilor qui jouxte le Latz. Ce lieu avait été créé, sans doute à l'époque où Olivier Vitré s'installait au Latz, par un autre Olivier d'Aradon, cadet d'une fa­mille assez importante et qui, à la mort de son frère aîné en 1443 avait repris la seigneurie de Kerdréan en Arradon.
Vincente décède un peu avant 1540, date à laquelle Louis Champion rend aveu à Lar­goët pour Kervilor en tant que garde naturel de son fils Bertrand. Elle lui laisse également deux filles, Henriette et Julienne.

Union des familles Champion et Guéhéneuc
Il se remarie avec Catherine de Kerboudel, veuve d'Olivier de Guéhéneuc. Et à la suite, ses enfants vont épouser les enfants de sa nouvelle femme: Bertrand, l'unique garçon de Louis, épouse Bastienne de Guéhéneuc et Henriette se marie à Jean, seigneur de Tré­fouet en Mohon, et Julienne à Yves, seigneur de Garnouée, en 1543.
Mais, vers 1557, Bertrand meurt sans héritier mâle. C'est Olivier Guéhéneuc, le fils d'Henriette, qui va hériter de la seigneurie et le -nom de Champion va disparaître, ce qui ne plaît pas à notre Louis Champion. Aussi va-t-il faire des enfants d'Henriette ses "douairiers", c'est-à-dire qu'ils vont renoncer à la succession du père, pour ne garder que celle de leur mè­re qui devient en quelque sorte le chef de famille et qui va leur donner son nom; et Olivier Guéhéneuc devient Olivier Champion. Les enfants de Julienne, eux perpétueront le nom des Guéhéneuc.
Louis Champion se remarie une troisième fois, à Marie Roux, quelques années avant son décès qui survient fin 1570 dans son manoir du Latz, à plus de soixante dix ans, dont plus de cinquante cinq ans comme seigneur du Latz. Et c'est surtout grâce aux papiers réper­toriés dans l'inventaire après décès, que nous avons pu retracer l'histoire de ces seigneurs.

Olivier Champion, mort dans les guerres de la Ligue?
Olivier Champion lui succède. La mort l'année suivante du seigneur de Kermalvezin, Gilles Le Bley, dernier neveu de Louis Champion, va relancer l'affaire du fief, et René d'Aradon, le curateur d'Olivier, va l'aider, avec succès, à sauvegarder ses intérêts.
Il épouse Bastienne d'Arz, veuve de Pierre du Theno sieur du Pargo, mais n'a pas d'enfant. En 1592, une sentence rendue au présidial de Vannes ordonne la célébration du ma­riage entre Olivier Champion et Julienne de Lentivy; mais il doit décéder à cette époque, peut être dans les combats de la guerre de la Ligue auxquels il participe sans doute avec les d'Aradon. Julienne aura un garçon en 1596, mais de Philippe Gibon.

Le Latz passe aux Bino
Et le nom de Champion va cette fois disparaître; c'est en effet un Julien Bino, sei­gneur de Coëtro en Plumergat, qui rend aveu à Largoët en 1599, comme garde naturel de son fils, Julien Bino, seigneur du Latz. Sa femme, héritière du Latz, ne peut être que Jeanne, la saeur d'Olivier.
Période difficile pour le Latz qui n'est plus habité par ses propriétaires. En effet vers cette époque le fils, Julien Bino qui a épousé Adelice de Coetsal, habite Hennebont; ils au­ront deux filles, Anne et Jeanne baptisée en août 1603 en présence de René de Larlan, un ancien recteur de Carnac. Anne Bino, la fille aînée, héritera des terres du Latz, et gardera les armes des Champion, qu'elle considère comme les armes de la maison du Latz et sa soeur cadette, Jeanne, recevra Kerdrain et Kerhouarin.

Anne Bino épouse l'ancien recteur de Carnac, René de Larlan.
Anne va être mariée à René de Larlan avant 1620. Il est le fils cadet de Henri de Larlan et de Françoise de Botdéru, seigneur et dame de Kercadio en Erdeven, et de Coët­quintin en Ploemel; sa grand-mère n'était autre que Olive Champion, une sceur de Louis. Nommé recteur de Carnac en1585 "il fut accusé bien longtemps après de n'avoir pas reçu la prêtrise et vit, le le' avril 1596, le chanoine Guillaume Le Goff obtenir, pour ce motif, des provisions par dévolut sur lui en Cour de Rome. Il se maintint cependant et résigna, vers 1600, en faveur de Pierre Collet". Pourquoi cette démission? Son frère aîné, Pierre, avait perdu en 1599, son fils Jean, et il pouvait peut être espérer devenir son héritier? Il est sans doute à l'origine de la chapelle Saint Colomban, peut être pour honorer la mémoire des Champion, après les guerres de la Ligue où le dernier représentant de ce nom venait proba­blement de disparaître.
Il a repris le métier des armes, comme son père qui avait la garde de la côte d'Erde­ven. Une lettre datée de 1625, écrite par le seigneur de Vendôme, gouverneur de Bretagne, et adressée au sieur de Querbillaire (métairie en Nostang) et du Latz, René de Larlan, indique " avoir su les soins qu'aportoit le sieur de Querbillaire à la garde de la cote de sa maison du Laz, l'assurant qu'il feroit valoir ce service aupres de sa Majesté, autant qu'il valoit, et le prie encore de vouloir étendre ses soins jusqu'à la garde de l'isle de Quiberon ". Malheu­reusement il meurt un an plus tard, le 24 avril 1626, à Carnac, laissant deux filles, Anne de Larlan, l'aînée, et Jeanne.
Quand leur oncle, Pierre de Larlan, décède, sans doute vers la même période, elles se retrouvent les seules héritières de la branche aînée des Larlan. Mais leurs cousins des bran­ches cadettes, qui sont des juristes, s'approprieront la seigneurie de Kercadio, Anne de Lar­lan devant se contenter de la petite seigneurie de Coëtquintin en Ploëmel. Non sans résistan­ce d'ailleurs, surtout après son mariage; on trouvera en effet lors d'un inventaire des biens du Latz, bien après sa mort, "vingt neuf pièces d'actes de procédure dans un sac concernant la saisie aposée par les seigneurs du Latz sur la terre de Kercadio, sur l'endos duquel sac est écrit pour messire Jan Sorel et sa compaigne seigneur et dame de Salarun, demandeur, contre messieurs les de Larlan, défenseurs". Ils n'auront pas gain de cause.

Anne Bino se remarie avec Jacques Sorel
Anne Bino, quant à elle, ne se remarie qu'en novembre 1639, avec Jac­ques Sorel, seigneur du Bois de la Salle et de Kergroix; le "mutuel consente­ment au dit mariage" a été reçu en la chapelle de la Trinité à Carnac. Un mois plus tard, sa fille aînée prenait pour époux Jean Sorel, le fils de Jacques, sei­gneur de Salarun en Theix, dans la chapelle de Saint Tual au Moustoir en Carnac. Cela va être le début d'une période faste pour le Latz.


L'étendue de la terre du Latz à cette époque
Anne Bino rend aveu pour le Latz en 1640, aveu qui donne la superficie de chaque partie du domaine.
Le manoir et ses dépendances avec son pourpris, ses jardins, vergers et bois, repré­sentent 5 journaux, les terres labourables et prairies 7, et les pâturages et terres "froides" 30. Deux métairies "près de la porte" comportent chacune 20 journaux de terres "chaudes" et 25 à 27 de terres "froides".
La maison et métairie noble de Kervilor, avec maison d'ardoise, fuie, moulin à vent, s'étendent seulement sur 36 journaux et 25 de landes et terres froides.
Blason des Sorel
Les quelques 35 tenues, pratiquement toutes "voistue", c'est-à-dire avec une habita­tion, s'étendent sur quelques 480 journaux dont 210 de terres froides dans différents villages de la paroisse. Les deux plus grandes tenues se trouvent près du manoir; la tenue de Kerdu­doret, dont le nom serait devenu au cours du temps Keriolet, située près le grand bois de la maison du Latz, s'étend sur 50 journaux dont 30 de terres froides et landes; la tenue de Ker­léarec s'étend sur 48 journaux dont seulement 18 de terres froides. Les plus petites font 3 à 4 journaux.
Au total, la seigneurie a une étendue sur Carnac de quelques 680 journaux, environ 330 hectares, soit un peu moins d'un dixième de la superficie de Carnac.
L'aveu mentionne toujours le fief de Kermalvezin, ce qui n'empêchera pas une repri­se de la contestation après la mort du seigneur de Kermalvezin, Antoine le Floch, en 1641; une fois de plus, c'est un jugement en faveur du Latz en 1651, malgré le long plaidoyer de la partie adverse, qui est d'ailleurs parvenu jusqu'à nous, ce qui nous a permis de connaître beaucoup de détails sur cette affaire, qui n'est pas encore terminée!
Anne décède un an après son aveu. En 1645, Jacques Sorel rendra compte "de la ges­tion par lui faite des biens des dites dames, avec le partage fait noblement et avantageuse­ment des deux parts au tiers entre la dite dame Anne de Larlan, dame de Salarun, héritière principale de ses père et mère, et la dite Jeanne de Larlan, dame de Lanouan, sa sceur puî­née".

Les Sorel rachètent 1e fief de Carnac
C'est l'époque où les grandes seigneuries connaissent des problèmes financiers. Le démembrement de la seigneurie de Largoët commence dès 1646, lorsque la saisie des biens de Jean-Emmanuel de Rieux est prononcée. En 1651 le fief de Carnac est en vente et les So­rel vont s'en porter acquéreur; le contrat de vente est signé le 23 janvier 1651, entre le comte de Largoët et "messire Jacques Sorel, chevalier de l'ordre du Roy, seigneur du Bois de la Salle, Kergroix, Salarun, demeurant au dit Salarun,,faisant et stipulant pour messire Jean Sorel, seigneur de Salarun, son fils, auquel il promet faire ratifier le presant" sous huitaine. La vente concerne tout ce qui peut lui appartenir en la paroisse de Carnac, "consistant tant en rentes foncières, féodales, seigneuriales, fief et juridiction avec tout droit de haute justice et tout droit de seigneurie qu'il peut avoir, tant en proche que arrière fief' sans exception, sauf que "le marquis réserve les dites choses tenues de lui pour lui en rendre hommage seule­ment, et à ses hoirs en ligne directe, quel droit d'hommage il ne pourra vendre ni transporter à quelques personnes que ce soit encore qu'il vendrait le total de la terre et seigneurie de Largouet".
La vente est faite pour la somme de 24000 livres tournois, l'acquéreur devant payer immédiatement la somme de 4000 livres en louis d'or et d'argent et autres monnaies ayant cours, pour que le vendeur puisse obtenir du Roi des lettres de désunion de la paroisse de Carnac et de la seigneurie de Largoët, avec conservation d'obéissance. Le paiement du solde interviendra dans les quatre mois, lorsque les différentes formalités seront terminées. Il est aussi question dans ce contrat "du procès pendant en la juridiction d'Auray entre le seigneur vendeur et le seigneur de Salarun et dame Anne de Larlan, sa femme, comme dame proprié­taire du Laz touchant la mouvance de la maison, métairies, moulins et autres dépendances de la maison de Kermalhuen située dans la paroisse de Carnac"; et le vendeur s'engage à ne "prétendre aucunes choses" à ce sujet.

Jean Sorel et la châtellenie de Carnac
Jacques Sorel meurt un an plus tard, et Jean Sorel, en possession de la seigneurie de Salarun, et de celles de Coëtqui(ri)ntin en Ploëmel et du Latz que lui a apportées sa femme, et du fief de Carnac, va solliciter et obtenir du roi, en juin 1653 , des lettres patentes en sa faveur (reproduites intégralement ci-après), enregistrées au Parlement en juillet 1654, portant réunion de ces seigneuries, hormis celle de Salarun, et leur érection en titre et dignité de châ­tellenie, avec possession de basse, moyenne et haute justices; il a l'autorisation d'établir deux foires chaque année au bourg de Carnac ce qui lui permet de toucher des taxes et de présider à l'ouverture et à la clôture de ces foires. Et, compte tenu de la menace espagnole, il peut aussi édifier un château; il modifiera et surtout agrandira le bâtiment existant, en ajou­tant en particulier toute une aile perpendiculairement au manoir existant.

Jean Sorel contre Nicolas Fouquet
Période faste pour Sorel, et pour Carnac, mais qui ne va pas durer. En 1656 ce qui reste de la seigneurie de Largoët est vendu aux enchères; cela tente notre Jean Sorel d'autant que la mise à prix n'est que de 30 000 livres ; mais les candidats sont nombreux et l'un d'eux est puissant : Nicolas Fouquet, le surintendant des finances de Louis XIV; Sorel porte les enchères à 150000 livres, mais Fouquet l'emporte en les poussant jusqu'à 175 000 livres; Jean Sorel avait pourtant fait une surenchère qui n'a pas été prise en compte. Et il intente un procès qu'il n'avait, bien entendu, aucune chance de gagner. On est un peu surpris qu'il se soit lancé dans cette enchère, quand on le voit emprunter 20000 livres aux pères de la Char­treuse d'Auray en avril de cette année 1656...

Jean Sorel perd son fief de Carnac, et la vie
Mais ce n'était pas fini! Fouquet va obtenir un arrêt du Conseil du roi et de la Cham­bre des requêtes, l'autorisant à remembrer à son profit la seigneurie de Largoët ; tous ceux qui s'étaient " emparés " de terres, fiefs, seigneuries et droits dépendant du comté de Lar­goët, depuis la saisie des biens de Jean-Emmanuel de Rieux, furent considérés comme "usurpateurs" et durent les rendre. D'où un nouveau procès. Et lorsque Jean de Robien­Kerambourg entreprit de faire les bannies d'appropriement et de pénétrer dans toutes les églises de la seigneurie pour manifester la prise de possession au nom de Nicolas Fouquet, il ne put pénétrer dans l'église de Carnac, les recteur et curés étant absents, personne n'ayant les clés; Jean Sorel qui était présent déclara s'opposer à cette procédure.
Sorel n'eut même pas la consolation de voir son ennemi arrêté et condamné : il décè­de le 30 juin 1659, à l'âge de 39 ans, en son château du Latz; ses funérailles auront lieu le 10 juillet, en l'église du couvent des frères Prêcheurs de Vannes où son père avait acheté la jouissance de la chapelle du Rosaire en 1641, sans doute pour être agréable à son voisin à Theix, Sébastien de Rosmadec, seigneur du Plessis et neveu de l'évêque.
Il laissait sa femme avec quatre enfants encore mineurs, Paul-Michel, l'aîné, Jacques, une fille Anne et un autre garçon, Charles-Bertrand, né en 1650, qui sera baptisé en 1652 par le recteur de Carnac, dans la chapelle de Salarun, son parrain étant l'évêque de Vannes, Charles de Rosmadec, et sa marraine Bertranne Gouyon dernière épouse de Jacques Sorel.

Anne de Larlan, ses procès et ses problèmes financiers
Elle avait pris la précaution de faire enregistrer devant notaires, au Latz, une donation mutuelle, vingt jours avant le décès de son mari.
L'année 1660 va lui apporter de grandes déceptions.
L' affaire du remembrement de Largoët a créé beaucoup de mécontentements et de procès; aussi Fouquet va faire appel au Roi, et celui-ci de publier une lettre, en mars 1660, disant que Fouquet "nous a remontré qu'ayant acquit par décret la terre, seigneurie et comté de Largoët, a trouvé que ce comté avait été démembré par les derniers possesseurs tant en vertu de permission à eux données par les rois nos prédécesseurs qu'autrement... ce qui a tellement affaibli et diminué l'ancienne consistance et dignité du dit comté qui est un des six plus considérable de Bretagne, et qu'il a commencé de rechercher les démembrements qui ont été ainsi faits pour parvenir à la réunion de ceux-ci"; et Fouquet obtient du Roi des let­tres de confirmation des contrats d'acquisition déjà faite, ou encore à faire pour le remembre­ment du comté, avec demande à tous les juges de barres et juridictions royales de Vannes et Auray de ne lui apporter "aucun trouble ni empêchement". Grosse déception pour Anne, qui, sans doute après la disgrâce de Fouquet en septembre 1661, reprendra la lutte, le procès étant toujours en cours en 1681, comme indiqué dans l'aveu de son fils. Malgré ce recours, fin oc­tobre 1662, les juges de Largoët faisaient procéder à "la rupture du poteau et collier patibu­laire" qui s'élevait sur la place de l'église.
Quant au procès sur la vente de Largoët, l'arrêt de la cour du 7 septembre 1660, lui est signifié tant en son nom que comme tutrice de ses enfants, avec sommation d'y obéir; non sans mal cependant; une première copie lui est porté en son domicile ordinaire du Latz, et remise à un serviteur en présence de deux témoins; huit jours plus tard une autre copie est remise en sa maison de Salarun, suivant le même scénario, Anne ne voulant sans doute pas les recevoir. Toujours est-il que cela marque la fin de ses espoirs de ce coté.
Pour l'affaire de Kermalvezin le nouveau propriétaire, Julien Quatrevaux, va bien en­tendu profiter de ses ennuis pour essayer de reprendre l'avantage et demande même à Fou­quet de prendre fait et cause pour lui dans la requête qu'il a portée au Parlement de Paris pour s'affranchir de la rente que la dame du Latz lui réclame.
D'autres procès sont révélés par les papiers trouvés dans un inventaire du Latz en 1691: contre un greffier de Largoët, et, en tant que créancière, contre messire le Bastard. Et, en 1669, on la voit s'occuper également de faire vendre, par saisie sur les sieur et dame de Morfouace, les maisons nobles de la Gras et de la Ville Guery en Saint-Servan. Procès égale­ment contre Claude et Thomas de Francheville, qui répliquent par une requête au présidial de Rennes pour que l'affaire soit portée devant un autre parlement que celui de Bretagne à cause des "parentés et alliances" que le sieur du Latz et la dame de Larlan, sa mère, (qui participe au procès en tant que tutrice de ses autres enfants) ont dans ce Parlement, du coté des Larlan (alors que ceux-ci sont en procès avec les seigneurs du Latz), et du coté des Sorel.
Ces procès malmènent les finances, d'autant qu'elle a à rembourser des prêts faits du temps de son mari. Sa famille lui vient en aide, non pas les Larlan bien entendu, mais sa tan­te Julienne Sorel et son mari, Guillaume Bahuno; dans l'inventaire de 1691 on trouve une quittance pour un prêt de 8000 livres en 1667, 1000 livres en 1672, après la mort de Guillau­me, et 300 livres en 1673.
Fin de vie éprouvante pour la dame du Latz qui rendra l'âme quelques années plus tard.. Elle sera inhumée près de son mari, au couvent des dominicains à Vannes.

Paul-Michel Sorel hérite du Latz et de ses problèmes
En 1681, après la mort de sa mère, Paul-Michel Sorel rend aveu à Largoët pour la réformation du terrier royal et il déclare un domaine qui est resté stable, 4 ou 5 tenues de plus, depuis l'aveu d'Anne Bino; mais il parle du "château" et non plus de la maison ou ma­noir.
Et pour Kermalvezin il précise:" sa métairie et moulin à vent, avec ses pourprix, sont tenus de la seigneurie du Laz à titre de foi et homage et rachat, en proche fief qui est en ar­rière fief de la seigneurie de Largouet".
Il revendique, comme Anne Bino, les prééminences: "le droit d'enfeu, la chapelle prohibitive étant en la chapelle du Laz, en l'église paroissiale du coté de la main droite com­me l'on entre au cceur et vis-à-vis le grand autel de l'église garny de bancs et accoudoirs en laquelle chapelle il y a deux vitres armoyées des armoiryes et ecussons de la maison du Laz qui sont trois testes de lévriers d'argent avec le collier d'or à chant d'azur, situés en la pa­roisse de Carnac".
"De plus le dit seigneur dit aussy avoir de tout temps immémorial, droit et devoir de passage pour luy, sa famille, serviteurs et domestiques, tant allants que venants au passage de Kerispert situé en la paroisse de Carnac".
Et il conclut cet aveu :" lequel présant adveu le dit seigneur du Laz fournit sans pré­judice ny derroges à ses droits et prétentions pour le fief de Carnac faisant parti de la dite juridiction de Largouet que son feu père avoit acquis du déffunt seigneur marquis d'Asserac et pour lequel sujet il y a instance pendante. C'est pourquoy le dit seigneur du Laz sous les dites protestations déclare fournir le présent aveu pour obei'r à justice et éviter à chicannes et avoue tenir du fief et juridiction de Largouet ce dit château du Laz et ses dépendances à devoir de foy et homage et sans rachat, protestant d'augmenter ou diminuer cy après s'il est vu appartenir... ".

Il perd Kermalvezin, puis ses terres de Kergroix
L'affaire de la mouvance de Kermalvezin a repris avec les nouveaux propriétaires, Julien Quatrevaux puis surtout Julien du Foussé, un riche avocat; et début 1683 "le procureur du Roy au siège royal d'Auray, chargé par sa majesté de la poursuite et confection du papier terrier de Bretagne", déboute la dame de Largoët, la veuve de Fouquet, et Paul-Michel Sorel, "de la mouvance, de la maison, métairie, moulin de Kermalvezin et ses dépendances en la paroisse de Carnac et maintient sa majesté en la possession de la dite mouvance". Sorel ne baisse pas les bras; il continue la procédure au parlement de Paris, malgré ses problèmes fi­nanciers.
En 1675 les pères chartreux de Saint Michel des Champs font saisir sa maison, terre et seigneurie de Kergroix à cause du non-paiement de la somme de 5300 livres pour arréra­ges et de 1250 livres tournois de rente concernant le prêt de 20000 livres consenti à son père
le 15 avril 1656. Ce n'est qu'après dix ans de procédures que ces biens sont vendus aux en­chères.


Mais il s'accroche pour garder le Latz
Cela ne réglait pas ses problèmes financiers, car il avait d'autres créanciers. Dès 1681, la veuve de Joseph Bidé, seigneur de la Grand Ville et président à mortier au Parle­ment, en tant que tutrice de ses enfants, demande la saisie de la terre et seigneurie du Latz pour récupérer quelque 15.431 livres en principal et 6.124 livres en intérêts. Et d'autres créanciers se font connaître: les dames religieuses carmélites de Nazareth près de Vannes, les Bahuno bien entendu, et trois ou quatre autres personnes. En 1683 la vente semble se pré­ciser, mais grâce à différentes procédures, comme cela a été fait pour Kergroix, et à certains remboursements partiels dont on ne connaît pas les détails, elle n'aura lieu qu'en 1698, bien après sa mort qui survient en 1690

Le manoir du Latz après le décès de Paul-Michel
N'ayant pas d'enfants, c'est son frère Jacques Sorel qui hérite du Latz. Ce dernier, né en 1643 au Latz, est "l'un des deux cents gendarmes de la garde ordinaire du Roi sous le commandement de monseigneur le prince de Soubise, icelui seigneur du Laz Sallarun faisant sa demeure ordinaire lorsqu'il n'est pas en service dans son chasteau du Las".
Mais il ne peut redresser la situation financière, d'autant qu'il décède en 1691.
C'est le troisième frère, Charles-Bertrand Sorel, qui doit faire face à la situation. L'inventaire après décès a lieu fin 1691, et nous permet de se faire une idée de la constitution du château.
Comme dans bien des manoirs à cette époque, il comprend une grande salle d'entrée, une chambre, les cuisines et la chapelle au rez de chaussée et des chambres à l'étage; il y a 11 chambres dont deux sont avec un cabinet attenant. Dans celui attenant à la chambre du seigneur du Latz on trouve: 4 billards, 4 grands flambeaux d'argent avec les armoiries du sei­gneur du Latz, et un bahut avec quelques livres reliés en parchemin dont l'un est intitulé "la cour sainte" et un autre "le chemin asseuré du Paradis", et surtout, dans des sacs, les différen­tes pièces de procédure d'Anne de Larlan, et autres papiers; mais l'agent du seigneur du Latz déclarera que la plus grande partie des papiers de la maison étaient dans les études de diffé­rents procureurs. Dommage pour nous!
Tous les meubles, les grains, le bétail seront vendus aux enchères.

La vente de la terre et seigneurie du Latz
Cela était loin de suffire pour payer les créanciers; et la dame de la Grand Ville en tant que "demanderesse et saizissante contre la dame du Brossay Coué" obtient enfin satis­faction; la seigneurie est adjugée pour 83000 livres à François-René Jégou le 28 avril 1698.
On remarque que Charles-Bertrand Sorel n'intervient plus; est-il mort comme ses frè­res, sans postérité? C'est à la sceur, Anne Sorel, que revient le triste privilège de liquider le Latz. Ainsi, 270 ans après l'installation des Vitré à Carnac, leurs descendants doivent aban­donner leur château du Latz.


Les JEGOU du LATZ
Mais pour la seigneurie du Latz l'avenir n'est pas si sombre. En effet les nouveaux propriétaires, François-René Jégou et sa femme, sont encore jeunes, bien qu'ayant déjà sept enfants et semblent se plaire au Latz puis­qu'ils décident de prendre le nom de cette terre, devenant les Jégou du Laz.
Blason des Jegou du Latz
Malheureusement en juin 1703, l'épouse décède, à 32 ans, après avoir donné naissance à un petit Joseph, qui ne lui survivra pas ; le cceur de la da­me est déposé dans l'église paroissiale de Mellionnec, où la famille possède le château de Trégarantec. Et François-René repart vivre dans ce château avec ses enfants dont l'aîné a 12 ans et le plus jeune 5 ans. Il reviendra à Auray en 1704 pour la rédaction de l'aveu dans lequel il revendiquera "le droit de continuer le jour de la foire qui se tient tous les ans au bourg, la veille de la fête de Saint Corneille et duquel droit les feux seigneurs du Latz, Sorel, et le dit seigneur de Paoul, ont toujours joui et fait jouir jusqu'à présent sans aucun trouble ni empêchements".

Et c'est un lent déclin pour le Latz qui n'est pratiquement plus habité par ses proprié­taires, alors qu'à Trégarantec les seigneurs mènent grande vie, en particulier le petit-fils de François-René, Michel-Marie. On disait dans la région que " pour avoir habitation royale, il faudrait la forêt de Lorge, les jardins de Trégarantec et le château de Coët-an-Fao ". Une brillante société y est reçue pendant tout le dix-huitième siècle ; une trentaine de domesti­ques assuraient le service, et jamais moins de seize plats ne s'offraient aux convives ; le luxe était grand à cette époque: pour les années 1744 à 1746, plus de treize mille livres seront dé­pensées en vêtements de luxe.
Le domaine du Latz était laissé sous la conduite d'un receveur et d'un couple de fer­miers. Mais Michel-Marie suivait de près les événements survenant dans ses terres et en par­ticulier on verra sa première épouse, madame "Blévin du Laz", intervenir avec détermina­tion, pendant près de trois ans, en faveur de deux carnacois accusés du meurtre d'un mercier lors de la foire de la Saint Cornély.
A la révolution il n'émigre pas, et le Latz, ne sera pas vendu. Cependant, il est dénon­cé pour avoir donné sa signature à la Rouerie et pour son aide aux chouans; conduit à la pri­son de Saint Brieuc il y meurt le 5 mars 1799, " laissant dans sa région un souvenir béni de sa piété et de son inépuisable charité ".
Ce sont les fils issus de son remariage qui prendront le titre de comte et vicomte du Laz. Le troisième, Eugène-François Jegou, vicomte du Laz également, va hériter du domai­ne du Latz lors d'un partage passé devant notaire en 1808; il le vendra en 1868 au baron Charles Armand de Wolbock, propriétaire du manoir de Kercado, pour 130 000 francs, après être resté dans la famille pendant 170 ans.

APRES les JEGOU du LAZ
En fait, le baron de Wolbock est intéressé non par le château lui-même, où il ne rési­dera d'ailleurs jamais, mais par les terres et les côtes où il pouvait développer son activité ostréicole. Et en 1889, son fils, le vicomte Henri de Wolbock, revend le château à Célestin Le Glohaec, industriel et maire de Saint Pierre de Quiberon.
En 1903, Henry-Alexandre de Villiers l'achète, peut être à la recherche des traces de la dernière demoiselle du Latz, dont il avait imaginé l'histoire dans son livre, publié en 1897, "Légendes du pays de Carnac"; elle se prénommait Anne, bien entendu, sans doute en souvenir d'Anne Bino à l'origine de cette étonnante histoire, d'Anne de Larlan surtout, la principale actrice, d'Anne Sorel enfin qui dut y mettre fin? Il y décrivait ainsi le château: "les murs de la cour d'honneur tombent en ruine, le corps de bâtiment principal s'est écroulé et le paysan et sa famille occupaient il y a plusieurs années ce qui restait de l'ancienne splen­deur du château".

 
Ce château, presque en ruine, ne le fait plus rêver et il le revend un an plus tard à Jean-Louis Le Rouzic, qui fera les plus urgentes restaurations afin de pouvoir l'habiter. Il fera don d'un vitrail, sur Sainte Anne bien entendu, à l'église de la Trinité sur mer; la famille le détiendra jusqu'en 1960.


Le nouveau propriétaire, Paul Houdart, va le restaurer complètement, lui faisant retrouver une allure digne de son passé et permettant de garder un témoin, discret et encore un peu mystérieux, de tout un aspect de l'histoire de Carnac et la Trinité sur Mer.

Michel Vincent de Paule


Bibliographie succincte
Sources imprimées:
. Dom Morice: Mémoires pour servir de preuves à l'histoire de la Bretagne.
. R. de Laigue: La noblesse bretonne aux XVe et XVIe siècles. Réformations et montres.
. J. Gallet: La seigneurie bretonne (1450-1680): l'exemple du Vannetais . E. Bataille: de par le Roy et la justice.
. M.T. de Kerampuil (comtesse Jégou du Laz): généalogie de la maison du Laz
Sources manuscrites: essentiellement archives du Morbihan série E (seigneuries, comté de Largoët), avec en particulier:
. E 2474 (contrats de vente du Latz et documents sur les problèmes avec Fouquet) . E 2570 avec une table chronologique des aveux permettant de trouver les docu ments dans les dossiers E 2571 à E 2576.
. E 2586 où l'on trouve des documents sur les problèmes entre le Latz et Kermalvezin et l'inventaire après décès de Louis Champion.

LETTRES PATENTES DE JUIN 1653
(AD 35, 1 Ba 21, p. 180. Extrait de « De par le Roy et la justice », Etienne Bataille, 1993)
« Louis par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre à tous présents et advenir, Sallut Nostre bien amé Jean Sorel, sieur de Salarun nous a faict remontrer qu'à luy appar­tiennent à cause de sa dame Anne de Larlan sa femme, la terre et seigneurie du Latz sittuée en la paroisse de Carnac évesché de Vennes en notre Province de Bretagne de laquelle des­pandent plussieurs domaines et héritaiges nobles et grand nombre de tenures à domaines congéables tanct dans ladicte paroisse qu'en celles d'Ardeven, Ploemel, Bels, Plonneret et Ploharnelz contigues les unes les aultres dans l'une desquelles est aussy assize la seigneurie de Couetquirintin qui luy appartient, de laquelle seigneurie du Latz dépandent de beaux fieffs qui dépandoient cy devant du Compté de Largouet ayant droict de haulte, moyenne et basse justice et de tous autres droicts appartenants aux seigneurs haults justiciers dont toutte ladicte paroisse de Carnac relève à cause desquels il a aussy tous droictz de préminance, pré­rogatifves en l'églize de Carnac ; à laquelle seigneurie de Carnac qui est belle et noble an­tienne a de grand revenus il désiroit qu'il nous plaise unir les dictes seigneuries du Latz et de Couetquirintin avecq leurs fieffs, domaines et appartenances d'icelles. Eriger et eslever en titre et dignité de Chastellenye soubz le nom de Carnac et d'en faire exercer la juridiction au mesme lieu où elle avoit accoutumée de l'exercer par les officiers dudict compte de Largouet en l'auditoire de nostre ville et juridiction d'Auray et luy accorder audict bourg de Carnac deux foires par chacun an, nous ayant ledict seigneur requis nos Lettres sur ce nécessaire.
A ces causes mettant en considérations les services rendus à cet estat par ses prédéces­seurs dudict sieur de Salarun et ceux que nous espérons de luy à l'advenir et aultres considé­rations à ce nous moveans, Nous avons de nos grâces spéssialles plaine puissance et auctho­ritté royalle par ces présantes signées de notre Main à ladicte seigneurie de Carnac uny et transporté lesdictes terres et seigneuries du Latz et de Couetquirintin avecq leurs domaines, fieffs appartenances et dépandances et Icelles crées érigées et eslevées. Créons, Erigeons et Eslevons en nom, tiltre et préminance de Chastellenye pour en jouir et uzer par luy, ses enf­fants successeurs et ayant cause audict tiltre et prérogatifves de Chastellenye de Carnac et pour tel eslu doresnavant comme es réputez et appelée tant en jugement que dehors Voullons qu'il jouissent de tous pareils droictz privilèges et préminances comme en jouissent et ont accoustumé de jouir et usez les aultres et envers les aultres Chastelains de nostre Royaume & Duché de Bretaigne ainsy et de la manière que les dictz droictz et privilèges estoient cy para­vant spéciffiés et que les hommes et vassaux des dictes terres et fieffs ainsy jouis et bien le connoissant pour tel et luy rendant leurs adveuz et aultres debvoirs seigneuriaux en ladicte quallité de chastelain sans toutefois qu'en cause d'icelle ils soient tenus à aultres debvoirs que cy devant pour être la dicte Chastellenye tenue de Nous à une seule foy et hommage qu'il sera tenu Nous rendre à cause de nostre Juridiction d'Auray et qu'il luy soit loisible d'establir des officiers en icelle pour exercer touttes justice et juridiction en toutte l'estandue et sur tous les vassaux des dictz seigneurs, biens, domaines possedans, tenues à domaine congéable despandans d'icelle, la faire tenir et exercer soubz le dict tiltre de Chastellenye à l'Auditoire d'Auray ainsy qu'au passé lors que la dicte seigneurie de Carnac estoient unie audict Compté de Largouet les officiers de laquelle Chastellenye cognoisteront de touttes causes et matières tant civiles que criminelles fors des cas réservés à mes officiers sans néan­
moingst que les officiers de la dicte Chastellenye puissent estandre l'exercice de la dicte juri­diction sur les fieffs, terres et domaines congéables qui relèvent prochement de Nous, les appartenances de laquelle Chastellenye de Carnac ressortiront comme au passé en nostre dic­te juridiction d'Auray.
Pourront lesdicts Chastelains eslever sy bon leur semble fourches patibulaires à quattre pilliers, potence et carcan en tel lieu de ladicte Chastellenye qu'ils désireront ; et d'autant que Nous sommes deubment informé que ladicte maison et seigneurie du Latz est sittuée soubz le bord de l'embouchure d'un brats de la mer océans où les espaignols et aultres enne­mis de nostre estat fréquantent ordinairement, mesme qu'ils abordent en la paroisse où elle est sittuée pour piller et enlever tous ce qu'ils rencontrent et ainsy que luy et sa famille et biens ne sont en sûreté, au contraire courent risques d'estre journellement enlevez et conduitz en pais estranger ; pour à quoy remédier Nous avons de nos mesme grâces et auc­thorité que dessus permis et permettons à l'exposant faire édiffier en ladicte maison du Latz un chasteau décoré de douves, pont levis, carneaux et machecelles pour sa décoration et sur­reté en ladicte maison et estant ledict sieur de Salarun le premier préminancier après Nous en ladicte paroisse de Carnac et que toute la dicte Paroisse relève de son fieff et que tous les habitants d'icelle sont ses vassaux Nous luy avons en tant que besoign seroit permis et per­mettons d'apposer les écussons de ses armes en la principalle vitre de l'églize paroissiale du dit bourg de Carnac, d'avoir bans, et tombe dans le coeur d'icelle au lieu le plus éminent, et une lizière en peinture chargée de ses armes tant au-dedans que dehors en ladicte églize, et pour d'autant plus orner ladicte Chastellenye attendu que ledict bourg de Carnac est sittué en païs fort fertile en touttes sortes de bestiaux, de denrées, Nous y avons créé et establi, Créons et Establissons deux foires par chacun an, la première le huictièsme janvier, et la scegonde le quatorzième septembre, pour estre dorénavant et à toujours tenues audict bourg ou environ au lieu le plus commode ; Voullons et Nous plaist qu'aux dictes foires tous marchands y puissent aller et venir, séjourner trafficquer et exposer en vante, debiter, troquer, vandre et eschanger touttes sortes de bestial, denrées et marchandises licittes et permises par nos or­donnances, et que les dicts seigneurs Chastelains de Carnac jouissent et usent de tous et de la droicte dont l'ont a accoutumé jouir en aultres foires de nostre Royaume, pourvu toutefois qu'en jours susdicts il n'y ait d'aultres foires et marchés à quatre lieux à la ronde dudict bourg de Carnac et qu'elles n'eschoient audict jour du Dimanche ou Festes d'Apostres, au­quel cas seront remises au lendemain sans préjudicier à nos droicts, si donnons en mande­mant à nos amés et féaux Conseillers, les gens tenant nostre Cour du Parlement et Chambre de nos Comptes en Bretagne, Sénéchal d'Auray, son Lieutenant et aultres nos juges et offi­ciers qu'il appartiendra que ces présentes, Nos Lettres de création de Chastellenye d'union et d'establissement de foires et permission de faire registrer du contenu en icelles, faire jouir et user ledict sieur de Salarun ses enffants successeurs et ayant cause plainement paisiblement et perpetuellement tout aussy et en la forme que dessus est dict sans permettre qu'il leur soit fait mis ou donné aucun trouble ny empeschement au contraire, Car tel nostre plaissir, et afin que ce soit chose ferme et stable à toujours, Nous avons faict mettre Notre Scel aux dictes présantes sauf à aultre chose notre droict et l'aultruy. Donné à Paris au mois de juin l'An de Grâce Mil Six Cent Cinquante Trois, et de Nostre Règne le Unzièsme. Et sur le reply, par le Roy, signé. Délivrons à costé visa mole et scelee du Grand Sceau de cire verde sur lads de soye verde et rouge.
Registrées, Ouy et le consantant le Procureur Général du roy pour en jouir ledict impé­trant bien et deubment suivant la volonté du Roy et arrest de la Cour du jour pour aux char­ges poinctes et conditions portées tant par lesdictes Lettres que par ledict arrest faict en Par­lement de Rennes le saizièsme jour de juillet Mil Six Centz Cinquante Quatre. »