La Néolithisation de l'Afrique


L’émergence d’un « Néolithique africain » 
et l’apparition des premières céramiques : 
il y a plus de 10000 ans, entre Sahel, Sahara et vallée du Nil.


Les découvertes sur le gisement malien d’Ounjougou, un site de plein air au Mali, en Pays dogon, nous ont apporté la vision d’un « Néolithique précoce » en Afrique. En effet, la séquence stratigraphique et les nombreuses datations obtenues par les méthodes combinées du C14 et de l'OSL
Fouilles dans les niveaux de l'Holocène ancien au ravin du
Hibou (Photo A Mayord)
nous ont livré un terminus antequem de 9'400 BCcal pour des tessons de céramique associés à une industrie lithique comprenant des armatures bifaciales de petites dimensions. Les analyses géomor-phologiques et sédimentaires indiquent un régime hydrologique puissant qui remodèle le paysage du fond de la vallée où se situe le gisement. Ceci nous permet d'affirmer que l'émergence de ce complexe typo-technique est à mettre en relation avec l'une des phases humides de la transition Pléistocène - Holocène reconnues récemment en Afrique de l’Ouest, plus probablement celle de l'amélioration climatique située entre 10'200 et 9'400 BCcal. Des synthèses récentes ont en effet confirmé que le front de mousson atteignait le 14° de latitude nord autour de 9'500 BCcal. Nos analyses paléoenvironnementales indiquent quant à elles que le paysage se transforme, les surfaces désertiques depuis plusieurs millénaires se recouvrant d'une steppe ouverte à graminées, dont certaines sont comestibles. Cette situation permet la dispersion de l'homme préhistorique sur le continent et favorise probablement un comportement nouveau : la pratique de cueillettes sélectives intensives, c'est-à-dire la récolte ciblée et rationnelle de ces graminées sauvages. Or, les graines doivent non seulement être conservées au sec et à l’abri des rongeurs, mais il faut aussi les cuire pour permettre à l’organisme d’assimiler l’amidon, l'homme ne possédant pas les enzymes digestives nécessaires pour le dégrader, d'où l'utilité de la céramique. Ceci laisse supposer un contexte d'invention de cette dernière analogue à celui de l'Extrême-Orient, parallèlement à la production d'armatures aux dimensions adaptées à la chasse du petit gibier fréquentant ces savanes ouvertes.
La meule d'Ounjougous'avère être
parmi les plus anciennes d'Afrique
subsaharienne

Les découvertes à Ounjougou témoignent ainsi de l’émergence de la céramique au sud du Sahara en relation avec le redéploiement de la couverture végétale graminéenne en Afrique tropicale. Cette invention semble avoir diffusé ensuite en direction du Sahara durant l'Holocène ancien, dès la fin du 10e et le début du 9e millénaire BCcal, alors que la zone désertique verdissait de plus en plus. Elles nous permettent aussi de nous pencher sur le concept de « Néolithique » en Afrique, et de proposer une nouvelle définition de celui-ci.