DES PIERRES LEVEES AU NEOLITHIQUE
SUR L'ILE D'HOEDIC

Des pierres levées au Néolithique à Hoedic (Morbihan) : 
que nous apprennent-elles ?
Jean-Marc LARGE Chercheur associé à l'UMR 6566 CreAHH, Rennes


Depuis vingt ans, les alignements de menhirs du 5ème millénaire av. J.-C. en Bretagne n'ont pas cessé d'être réinterprétés par différents chercheurs dans divers domaines (St Just 35,Locmariaquer, Monteneuf, Belz et La Trinité/mer 56) .L'étude de ces alignements  est redevenue un centre d'intérêt scientifique de premier ordre.
La première étude effectuée à Hoedic concerne le site de Douet situé au bord d'une falaise sur la côte nord de l'île (Large, Mens 2009). Un ensemble de huit blocs érigés, placés sur une file, a été étudié de manière systématique.
 Parmi ces pierres dressées, certaines d'entre elles ont connu des aménagements anthropiques qui les classent dans la catégorie des «stèles». Au cours de la phase initiale de l'occupation du site, l'utilisation de cette ligne de menhirs est symbolique : il s'agit d'une mise en scène des blocs dont certains ont fait l'objet de représentations, mise en scène qui intègre les caractéristiques de la topographie locale (couloir d'érosion marine) et ligne remarquable (lever de soleil au solstice d'été).

La seconde étude concerne le site voisin de Groah Denn, toujours le long de la côte nord d'Hoedic, à une centaine de mètres à l'ouest du précédent. Sur le plan structurel, il est plus complexe que le Douet. Si quatre phases chronologiques se distinguent (Mésolithique final, Néolithique moyen, Néolithique récent et Campaniforme/Bronze ancien), ce sont une douzaine de séquences structurelles qui témoignent d'aménagements successifs. La première séquence concerne une occupation antérieure à la mise en place des blocs érigés, caractérisée par une série de structures à pierres chauffées, témoignant de combustion dans le milieu du 6e millénaire. Des pierres brûlées,Une autre séquence est perceptible avant la mise en place de la file. Il s'agit de petites stèles réalisées dans un granite ne provenant pas du site, aménagées de manière fruste et qui ont été abattues, brisées et parfois intégrées au dispositif de calage des blocs érigés. Cette séquence est délicate à placer dans le temps : s'agit-il de premières pierres érigées dès le Mésolithique ou signalent-elles un état initial néolithique avant la mise en place de la file de pierres dressées ?

Plusieurs de ces blocs ont reçu un dépôts d'objets à leur base. Cinq petites lames de hache en fibrolite, une petite lame de herminette en éclogite alpine, des galets brisés volontairement, des restes céramiques, des meules en granite étaient disposés à la base de l'un d'entre eux, installé de chant. Deux blocs ont reçu un dépôt de coquillage (patelles et monodontes), un autre de belle taille avait une lame de hache en roche indéterminée et un grand éclat de silex et enfin, le plus grand des menhirs, abattus au Néolithique récent, avait un dépôt tout à fait original : une sépulture d'un individu jeune adulte déposé dans un coffre circulaire dont la paroi était composée de dallettes de granite.

Puis, dans le 3e millénaire, certains secteurs de la file seront repris pour des activités qui ne sont pas clairement identifiées. Mais les restes de céramiques campaniformes et du Bronze ancien témoignent de cette occupation. Ce sera l'avant-dernier investissement anthropique sur le site : celui-ci se couvre progressivement du sable dunaire qui va quasiment le rendre invisible... jusqu'au XIXe siècle où une des pierres alors bien visible sera abattue à nouveau lors d'un zèle charismatique et jusqu'à ce que les archéologues réinvestissent le site à l'aube du 21e siècle...

Du Moulin de Cojou à Saint-Just, en passant par Er Lannic et en se rendant jusque dans la Charente-Maritime en intégrant la Vendée, cette présentation sera l'occasion de faire le point sur cette question. Les fouilles menées à Hoedic montrent la complexité de ces files de pierres dressées que l'on ne peut réduire au simple fait d'ériger des pierres, même si l'effort collectif qui a permis cette érection est extraordinaire. Comme les dolmens, les files de pierres dressées sont des architectures complexes et évolutives.

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